Fin janvier 2012, un homme est victime d'un accident de la circulation routière, suite à un malaise, il percute une pierre dressée dans un rond-point.
Transporté par ambulance à l'hôpital, alors que l'hélicoptère est sur les lieux, on diagnostique des fractures de vertèbres, de côtes, une luxation de la hanche et diverses plaies. Opéré immédiatement, la luxation est réduite, sans que les médecins voient une fracture du bassin et les divers débris dans l'articulation.
Muté dans un autre hôpital, la victime sera réopérée de la hanche pour nettoyage et mise en place de matériel dans le genou pour exercer une traction sur la jambe.
Placé en service de réanimation durant une dizaine de jours, il ne verra le ciel qu'à sa sortie de l'une des cellules de surveillance. La structure en pétales est très pratique pour les soignants qui peuvent exercer une surveillance continue dans un espace restreint mais angoissante pour le malade qui n'est pas dans le coma.
A son arrivée dans le service d'orthopédie, donc spécialisé dans les soins à donner aux polytraumatisés (c'est du moins ce qu'on peut penser) on est surpris par l'activité du personnel : bruyant et s'agitant dans les couloirs, il ne connaît pas le dossier du patient, tout le monde est vêtu de blanc mais personne ne se présente ni ne porte de badge indiquant son nom et sa fonction. Certes, la charte du patient hospitalisé et l'affiche invitant à remplir le questionnaire de satisfaction sont étalées, mais aucun imprimé n'est disponible à l'accueil du service où on ne verra jamais personne.
On ne sait pas où le personnel de ce service a été formé ni même si ce sont de vrais professionnels car les incidents se multiplient : la corde retenant les poids de mise en traction de la jambe se brise en pleine nuit, la traction sera remise en place le surlendemain, le médecin ayant "oublié" de venir à sa sortie de la salle d'opération. Les repas sont apportés sur un plateau déposé sur la tablette. Les denrées sont soigneusement emballées sous un film collé. Personne ne s'est inquiété de savoir comment, un patient couché sur le dos avec interdiction de relever le buste à plus de 30° et d'effectuer des rotations, avec une perfusion dans chaque bras, pouvait ouvrir les plats. Ce patient diabétique et inquiet de son taux de sucre réclamait en vain un contrôle de glycémie avant d'avaler un repas et dans le doute refusait de s'alimenter sans que personne ne s'inquiète du pourquoi.
Deux semaines sans manger et sans bouger entraînent un blocage des intestins. Pour faciliter le transit, on donne au patient une gelée à la couleur et au goût de framboise sans lui expliquer qu'il s'agit de paraffine colorée et non sucrée.
La famille en visite s'inquiète et s'enquiert auprès du personnel de cet état de fait.
Dans le couloir, une infirmière répond que le patient refuse les soins et de s'alimenter, qu'il est obsédé par son taux de glycémie qui est normal après trois anesthésies et que celle-ci redescendra avec le temps, que le dialogue est impossible parce que le courant ne passe plus, que les produits donnés ne contiennent pas de sucre (à vous de le deviner, rien ne figure sur les étiquettes). A aucun moment elle ne s'est dit que le patient n'a pas ses connaissances professionnelles, que s'il s'inquiétait il avait certainement des raisons et que c'était à elle de lui expliquer le pourquoi et le comment des choses et également de changer de comportement pour rétablir un minimum de confiance.
Juste avant de nous répondre, elle s'était présentée dans la chambre faisant face à celle de notre patient en lui criant qu'il n'était pas utile de sonner quatre fois, qu'il n'y avait qu'une infirmière pour quatorze malades et qu'elle viendrait quand ce serait son tour. Moi qui ne suis pas hospitalisé et qui déambule toujours dans les couloirs, j'ai bien vu qu'il y avait du personnel dans cet hôpital, des infirmières et des élèves, du personnel de service pour distribuer des repas, des aides-soignants pour relever tension et température et un interphone dans chaque chambre et je m'interroge : pourquoi ne pas l'utiliser pour s'informer et faire patienter? Et en faisant le tour des couloirs, avec ces nouvelles architectures tournantes, on finit par voir que le personnel est assis dans sa salle à manger à la porte bien protégée par un digicode.
Après de violentes douleurs, le ventre s'est vidé dans la couche de protection à dix-neuf heures, le patient a sonné et est resté dans "la merde" jusqu'à dix heures le lendemain. Elle commence où la maltraitance ?
Pour maîtriser la glycémie, une pompe à insuline est installée. Celle-ci se bouchera et fera remonter le taux à plus de 3,5 g soit environ 2 de trop.
Pour le reste de la toilette ce n'est guère mieux, le patient est invité à se faire porter un miroir par sa famille afin de se raser seul. D'accord, sauf que je rappelle qu'il est couché sur le dos et ne peut pas se tourner. Idem pour le téléphone qui se trouvait sur le plafonnier, au dessus de la tête du lit (mais pourquoi il ne répond pas?)
Vendredi c'est le jour de sortie pour se rendre dans un centre de convalescence. La malade en a été informé l'avant-veille, il a une famille qui prend des nouvelles, ce qui est heureux car ses habits ayant été découpés lors de l'accident, c'est seulement couvert d'un drap qu'il serait parti si la famille n'avait pas pris l'initiative d'apporter des vêtements.
Sur le chevet, nous découvrons plusieurs médicaments. N'ayant pas appris le dictionnaire Vidal des génériques, nous ignorons leur effet. Le malade interrogé ne connaissait pas leur présence et ne sait pas à quel moment il doit les prendre.
Au moment de débrancher la pompe à insuline, une infirmière complètement débordée par la situation, demande si la famille a apporté l'insuline, déclare péremptoirement que l'hôpital n'en a pas et que le médecin du centre fera une ordonnance pour que la famille aille en chercher à la pharmacie locale. Heureusement qu'une collègue plus dégourdie en trouvera dans un réfrigérateur et pensera à faire un contrôle de glycémie avant d'injecter le poison.
Je ne peux passer sous silence l'absence d'antidépresseurs prescrits quelques jours plus tôt par le psychiatre de l'hosto et que la pharmacie n'a pas encore livrés.
Le clou de l'affaire est la visite avant sortie de la surveillante du service (vous savez, cette femme qui se promène les bras croisés dans le couloir) et qui demande au malade s'il a commandé l'ambulance. On croit rêver mais on est bien éveillés. La compétence de cette cadre ira jusqu'à nous donner le lieu de destination mais ne connaît ni le nom ni son emplacement (c'est dans le département voisin mais il n'y a que quinze kilomètres entre les deux hôpitaux) avant de repartir en emportant les poids de traction et de déclarer qu'a défaut on utilise des poches de perfusion.
A l'arrivée au centre de rééducation, le personnel sympathique et compétent nous apprend qu'il attendait le patient une heure plus tôt, qu'il ignorait que le membre était sous traction et qu'il n'avait pas pu préparer à l'avance le lit adéquat. Cet hôpital-là, aux dires des infirmières, possède tous les médicaments prescrits et le matériel nécessaire à la convalescence. Ouf, ils ne sont pas tous pareils.
Ces faits sont absolument réels et se sont déroulés dans deux départements du sud de la France, en 2012. Tous les services de l'hôpital ne fonctionnent pas aussi mal que celui d'orthopédie mais on est en droit de s'interroger, de se demander si l'hôpital public, dont le personnel est payé avec nos impôts, ne doit pas se remettre en question. Quand on est fonctionnaire on pense être employé jusqu'à sa retraite donc bénéficier de la garantie de l'emploi mais il ne faut pas oublier qu'en contrepartie la "fonction" (du latin functio "accomplissement" et fungi "s'acquitter de" au sens juridique de service public -Larousse étymologique) est de faire "fonctionner". Sous prétexte de restrictions de personnel, tout le monde se dit surchargé de travail, peut-être, mais si c'est la famille qui doit effectuer les toilettes, nourrir le malade, fournir les médicaments, changeons les noms des établissements de soins et revenons aux hospices et dispensaires du 19° siècle et cessons de faire des demi-mesures et des similis chartes qui ne sont pas appliquées.
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