jeudi 22 avril 2010

Une vie ordinaire

Il y a un mois que tu nous a quitté, pour nous la vie doit continuer.


A 14 ans tu commençais ta vie de labeur, pendant 50 ans tu as trimé sur les terres du Sud que tu as remuées pour leur faire donner le meilleur d'elles-même. Derrière des bêtes ou sur un engin mécanisé, à pied le plus souvent pour donner les meilleurs soins, tu as tout fait du travail de la vigne, du défonçage du sol à la vinification de la récolte souvent sur des terres qui ne t'appartenaient pas.

Je n'ai connu que tes dix dernières années de travail. Il paraît que c'était plus facile qu'avant. Peut-être, mais il fallait quand même tailler dans le froid, le cul au vent et la goutte au nez, piocher pour nettoyer les pieds, tirer les tuyaux pour arroser, sous le soleil et dans la fraicheur relative de la nuit et enfin vendanger quelles que soient les conditions météo pour rentrer la récolte au plus tôt, avant la pourriture et pour limiter les frais.

Pendant une vingtaine d'années tu as pu profiter de ta retraite comme on dit. Enfin te reposer oui mais à quel prix : des articulations douloureuses, l'inondation de ta maison, surtout la perte de ton fils et par suite de ton goût pour la vie. Malgré cela tu as continué à nous montrer ta joie lors de nos visites, nous rappeler les bons moments du passé; même si nous connaissions la fin, on te laissait égrener les souvenirs de ta vie : les patates que tu allais chercher à vélo dans les hauts cantons pendant la guerre, le vin nouveau des Hautes-Pyrénées qui t'avait retourné les tripes et que le paysan trouvait bon (!) et tant d'autres choses.

Nous aussi nous gardons le souvenir des bons moments passés ensemble. Nous avons essayé d'égayer la fin de ta vie, je suis sur que nous t'avons apporté un peu de joie, comme toujours on peut regretter de ne pas en avoir fait plus, tu ne demandais rien, tu prenais simplement ce qu'on te donnait comme si le bonheur des autres te suffisait.  Maintenant que tu n'es plus, sache que nous avons vécu avec toi les meilleures années de notre vie. Pour nous la maison n'est plus la même sans ta présence, le village n'est plus pareil sans ta silhouette sur son vélo, la vie est différente quand un être vous manque.

Cette vie simple est celle d'un homme ordinaire comme il en existe partout. Cet homme là était mon beau-père, il s'appelait Charles Galigné.