(Premier texte de la série en projet: contes et nouvelles dédiés à mes
petits-enfants)
Cet
après-midi là, Mariette jouait dans son jardin. Elle était seule,
sa maman se trouvait dans la maison et faisait le repassage en
écoutant de la musique à la radio.
Mariette
aimait jouer dans le jardin. Elle avait l'habitude d'y aller seule
car elle n'avait ni frère ni sœur. Ses amis d'école habitaient
loin et ne venaient chez elle que pour son anniversaire. Sa maison
était située à l'entrée d'un petit village, il n'y avait pas de
grande route proche et peu de voitures passaient devant chez elle. A
six ans, elle connaissait tous les habitants du village où elle
était née et à qui elle parlait quelquefois, quand elle se
promenait avec ses parents, sa poussette ou son vélo rose.
Après
une petite sieste, elle avait pris sa dinette et ses poupées et
avait installé son petit monde autour d'une table basse, à l'ombre
du gros figuier qui avait poussé tout seul, près de la clôture.
Tandis qu'elle faisait goûter ses poupées, un gros chien blanc
qu'elle ne connaissait pas, entra dans le jardin et s'approcha
d'elle. Mariette aimait bien les animaux et caressait souvent les
chiens et les chats qu'elle rencontrait lors de ses promenades. Le
pelage de celui-ci était long et doux mais encombré de brindilles
et de morceaux de feuilles sèches. Mariette se mit à le peigner
avec ses doigts et à débarrasser ses poils des petites boules
piquantes accrochées sous son cou, ses pattes et sa queue. Le grand
chien répondit à ses caresses par un coup de langue sur sa joue ce
qui la fit rire. Elle lui donna un puis un deuxième biscuit de son
goûter. Le gros chien paru apprécier car il se lécha les babines
après les avoir engloutis.
Après
avoir joué un moment, le gros chien se dirigea vers le portillon par
lequel il était entré et qui était resté ouvert. Mariette suivit
son compagnon de jeu, laissant là ses jouets, trouvant plus amusant
un animal remuant et docile. Le chien, suivi de Mariette, se dirigea
vers la forêt proche du village. Il marchait lentement et les
petites jambes de la fillette, habituées aux longues promenades avec
ses parents, la portait aisément. C'était la première fois que
Mariette se promenait seule dans cette forêt. Elle était déjà
venue observer les écureuils et les oiseaux avec ses parents et les
grandes allées où le soleil et l'ombre jouaient à dessiner des
lumières bizarres sur le sol ne lui faisaient pas peur.
Le
chien quitta le chemin pour emprunter un sentier qu'il semblait
connaître. Mariette le suivi. Le sentier serpentait autour des
grands arbres, suivant les pentes ou coupait en deux des petites
bosses. Mariette peinait un peu dans les montées mais courait avec
le chien dans les descentes.
Au
bout d'un moment, fatiguée, elle s'assit au pied d'un arbre, appuya
son dos au tronc. Le chien se coucha à ses pieds et posa sa tête
sur ses jambes. C'est en caressant les oreilles de l'animal qu'elle
s'endormit. Lorsqu'elle se réveilla, le soleil était presque
couché, la lumière et la chaleur n'étaient plus aussi fortes et
elle pensa qu'il était temps de rentrer. Elle se leva et repartit
sur un sentier, voulant refaire à l'envers le chemin qui l'avait
conduit là. Au bout d'un moment elle ne reconnu plus les arbres
qu'elle avait croisé. Elle était perdue! Elle décida de suivre le
chien qui l'avait conduite dans ce bois sure que son instinct la
ramènerait chez elle. La nuit tombait vite dans la forêt où les
ombres des arbres s'étaient allongées et avait fini par recouvrir
tout le sol. Le chien trottinait, changeait souvent de direction mais
semblait savoir où il devait aller. Mariette le suivait confiante et
pensant qu'elle serait bientôt rentrée chez elle.
Quand
il fit tout à fait nuit, Mariette qui accrochait ses vêtements et
se cheveux aux branches, trébuchait sur des pierres ou des bois
morts, se désespéra de retrouver sa maison et ses parents. Elle
s'assit dans un fossé garni de feuilles sèches et se mit à
pleurer. Le grand chien blanc lécha son visage pour la consoler.
Mariette resta là, se demandant comment et quand elle reverrait ses
parents. La nuit était noire, les feuilles des arbres ne laissaient
pas passer la lumière des étoiles et la lune ne faisait qu'un
faible et pâle croissant qui n'éclairait rien. Mariette se fit un
lit de feuilles sèches et dormit dans son fossé, un bras passé
autour du cou du chien qui, allongé près d'elle, lui communiquait
sa chaleur et la rassurait : elle n'était pas seule dans la forêt.
Les
mille bruits de la forêt ne troublèrent pas son sommeil tant elle
était fatiguée de sa longue marche et d'avoir pleuré.
Quand
elle ouvrit les yeux, la lumière était revenue. Elle eut froid car
les feuilles et le sol étaient couverts de rosée. Le soleil n'avait
pas encore paru. Le jour levant lui rappela qu'elle n'avait pas mangé
depuis le goûter de la veille. Elle avait mal au ventre et comprit
l'expression qu'elle avait entendu un jour : elle avait un creux à
l'estomac. Elle ne connaissait pas bien cet organe mais ça devait
être là où ça faisait mal. Son ventre s'était vidé et elle
imagina un trou qui grandissait en elle.
Elle
se remit en route, toujours précédée du grand chien blanc. Il
avançait sur des sentiers à peine tracés par le passage des
animaux. Mariette suivait comme elle le pouvait. Ses mains et ses
jambes étaient écorchées par les branches basses et les bois
morts.
Après
une longue marche, au bas d'une colline, elle entendit de l'eau
couler. Un ruisseau coupait le chemin en deux. Arrivés au bord de
l'eau, le grand chien blanc s'allongea et bu un long moment à grands
coups de langue. Mariette voulu l'imiter. Ses bras étaient trop
courts pour attraper de l'eau et boire dans le creux de sa main. Elle
se coucha sur le sol et rampa en avant pour boire comme son compagnon
à quatre pattes. Soudain le sol se déroba sous elle, une grosse
motte de terre s'effondra dans l'eau, entrainant Mariette la tête la
première. Dans un grand plouf elle se retrouva plongée dans une eau
froide et profonde. Mariette n'allait jamais se baigner à la piscine
et n'avait jamais appris à nager. Elle agita ses bras pour tenter
d'attraper une branche ou une racine au dessus d'elle mais ses bras
étaient trop courts. Elle plongea et remonta plusieurs fois,
avalant de l'eau et toussant. Au moment où elle perdait l'espoir de
sortir de ce trou d'eau, le gros chien blanc comprit sa détresse et
sauta dans l'eau. Il nagea vers elle et saisissant ses vêtements au
col, l'entraina vers la rive opposée où il l'a déposa. Après
avoir repris son souffle, Mariette caressa longuement le chien qui,
après avoir secoué son corps, s'était étendu près d'elle. Elle
ôta ses vêtements trempés et les tordit pour faire sortir l'eau
avant de se rhabiller. Elle était gelée. Le soleil levant l'a
réchauffa un peu.
Sur
ce côté du ruisseau la forêt était plus claire, les arbres moins
hauts et plus espacés. Suivant un sentier, nos deux amis se remirent
en route et arrivèrent bientôt dans une clairière. D'étranges
fruits bleus poussaient sur des arbustes en bordure, protégés par
des épines. Mariette, que la faim torturait de nouveau, ramassa
quelques baies et les croqua. Elles étaient un peu amères mais la
faim fut la plus forte, elle en mangea jusqu'à ce que son ventre fut
plein.
Le
gros chien emprunta un nouveau sentier qui les conduisis ver une
partie de la forêt plus touffue et plus noire. Soudain il
s'immobilisa, hérissa les poils de son dos et dressa ses oreilles.
Il paraissait plus grand et plus gros. Une sorte de rugissement sorti
de sa gorge et, lorsqu'une grosse bête noire sorti du fourré, il se
précipita dessus en aboyant. Le gros sanglier que nos promeneurs
avaient dérangé, fonça en direction de la fillette. Au moment où
ses crocs recourbés allaient l'atteindre, le chien lui planta les
siens dans une cuisse arrière. L'animal changea de direction pour
charger cet intrus qui s'enfuit, poursuivi par le sanglier en colère.
Le bruit décru, le silence revint puis les oiseaux reprirent leurs
chants.
Mariette
se retrouvait seule dans une forêt inconnue et peuplée de bêtes
féroces. Ne sachant que faire, elle se mit à pleurer. Au bout d'un
long moment, le gros chien blanc revint, s'approcha et lui lécha le
visage. Son pelage était sale, il avait une oreille déchirée et
couverte de sang mais Mariette fut heureuse que son compagnon soit
revenu.
Ils
reprirent un chemin dans le sens opposé à celui où le sanglier
avait disparu. Ils marchèrent longtemps sans rencontrer personne.
Alors que le jour déclinait, ils atteignirent une clairière. Dans
un recoin se dressait une cabane faite de rondins de bois et couverte
de branchages secs. C'était un petit abri, pas plus grand que la
cabane que son papa lui avait construit dans son jardin et dans
laquelle elle aimait jouer. A ce souvenir elle eut une pensée pour
ses parents qui devaient être bien inquiets de son absence et qui
devait la chercher, elle en était sure. Elle se mit à pleurer. Plus
tard, alors que la nuit tombait, elle visita la cabane et découvrit
une couchette faite de branches alignées et croisées et recouvertes
de feuilles sèches. Elle s'aperçut qu'elle était seule, le chien
blanc avait disparu sans qu'elle s'en rende compte. Elle se remit à
pleurer.
Quelques
longues minutes plus tard, l'animal revint, portant quelque chose
dans sa gueule. C'était un lapin qu'il avait chassé et qu'il venait
lui offrir. Émue, elle enlaça le cou du chien et l'embrassa
longuement. Elle prit le lapin sanglant et en tirant de toutes ses
forces, elle réussit à lui arracher sa peau. Elle coupa l'animal en
deux, en donna une moitié au chien et se mit à mordre dans une
cuisse à pleine dents. La chair crue et tiède était un peu
écœurante mais elle avait trop faim, elle mangea toute la viande et
suça les os avant de les donner à son compagnon.
La
nuit étant arrivée et n'ayant rien de mieux à faire, elle se
coucha sur la litière, le chien allongé près d'elle. Ils dormirent
tous les deux d'un sommeil agité, réveillés par moment par le
bruit du vent dans les branches, les craquements du bois dans la
forêt, les hululements des animaux nocturnes.
Au
petit matin, Mariette se réveilla la première et constata qu'il
pleuvait. Le toit de son abri ne laissait pas passer l'eau mais le
froid entrait à travers les murs. Elle ouvrit la porte de la cabane
pour faire entrer plus de lumière et chercher des objets utiles.
Dans un coin, elle découvrit une vieille casserole noire dépourvue
de queue, un couvert mais rien pour faire chauffer ou à manger. Elle
regretta de ne pas être dans sa maison, attablée devant un petit déjeuner. Elle repensa que ses parents devait la
chercher et se demanda comment les rassurer. Elle était perdue, loin
de tout, dans une forêt inconnue avec pour seul compagnon un chien.
Pendant
qu'elle se désespérait, le chien se dressa brusquement sur ses
pattes, se planta à l'entrée de la cabane, le nez dehors et agitant
la queue. Il n'avait pas les poils hérissés comme la veille lors de
la rencontre avec le sanglier. Mariette fut rassurée et soudain,
entendit un moteur de voiture. Sauvée!
Un
vieux 4x4 fumant entra dans la clairière et s'arrêta devant la
cabane. En descendit un homme à l'allure d'ogre, il était immense,
portait une grosse barbe broussailleuse et des cheveux longs sous son
bonnet de laine, une grosse veste marron et des bottes. L'homme
s'approcha de la cabane. La fillette un peu craintive s'avança en
disant : « Je m'appelle Mariette et j'ai six ans ».
L'homme répondit par un grognement qui semblait dire : « Mais
qu'est-ce que cette gamine fait là et comment est-elle arrivée
là? » Il n'avait pas lu les journaux ni écouté les
informations , n'avait rencontré personne depuis quelques jours et
ignorait tout de la disparition de Mariette.
Le
chien ne semblait pas craindre cet homme et lui faisait des fêtes.
Il répondit par une caresse sur sa tête et l'animal se coucha aux
pieds de Mariette. Retrouvant
la voix après ce moment de surprise, il questionna Mariette qui lui
raconta sa mésaventure de l'arrivée du chien dans son jardin à sa
découverte par sa propre venue ce matin là. L'homme qui était un
bûcheron habitant un village voisin, venu pour abattre quelques
arbres, décida de raccompagner Mariette chez elle, si elle pouvait
lui indiquer le chemin. Ils montèrent dans la camionnette du
bûcheron, le chien sur le plateau arrière, et reprirent le chemin
par lequel l'homme était arrivé. Ils allèrent jusqu'au village où
habitait Mariette et celle-ci put indiquer à son sauveteur où se
trouvait sa maison.
Les
parents de Mariette furent très heureux de retrouver leur petite
fille et, pleurant et riant à la fois, ils lui posèrent un tas de
questions pour connaître les détails de son périple. Mariette
avait très faim, elle avala un grand bol de chocolat avec des
tartines tout en racontant son histoire.
L'homme
repartit à son travail après avoir été vivement remercié par les
parents de Mariette qui l'embrassa, elle n'avait plus peur de sa
grosse barbe ni de sa grosse voix.
Les
parents de Mariette, apprenant comment le gros chien blanc l'avait
sauvée de la noyade et de l'attaque du sanglier, décidèrent de le
garder s'ils ne retrouvaient pas son ancien maître.
Mariette
fut heureuse d'avoir un nouveau compagnon de jeu et promit à ses
parents de ne plus partir se promener seule ou avec son chien dans la
forêt.
C'est
ce qu'elle fit.
1 commentaire:
Courageuse cette Mariette !! Bravo tonton
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