dimanche 20 novembre 2011

Souvenirs d'enfance

Des poèmes de Paul-Jean Toulet (1867-1920), tirés des Contrerimes, le premier appris, les suivants lus, en 19.. l'année de mon Certificat d'Etudes Primaires. Je ne sais pas si les instituteurs actuels prêtent encore des livres de poésie à leurs élèves mais je suis peut-être tombé sur l'exception à la règle. 





Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs,
Et ma mie, et l’air du pays:
Que mon cœur était aise.

Ah, les vignes de Jurançon,
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson?

Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
À l’heure où Pau blanchit au loin
Par delà les prairies?

******************************
L’immortelle, et l’œillet de mer
Qui pousse dans le sable,
La pervenche trop périssable,
Ou ce fenouil amer

Qui craquait sous la dent des chèvres,
Ne vous en souvient-il,
Ni de la brise au sel subtil
Qui nous brûlait aux lèvres?

*****************************
J’ai vu le Diable, l’autre nuit;
Et, dessous sa pelure,
Il n’est pas aisé de conclure
S’il faut dire: Elle, ou: Lui.

Sa gorge, avait l’air sous la faille,
De trembler de désir:
Tel, aux mains près de le saisir,
Un bel oiseau défaille.

Telle, à la soif, dans Blidah bleu,
S’offre la pomme douce;
Ou bien l’orange, sous la mousse,
Lorsque tout bas il pleut.

«Ah!» dit Satan, et le silence
Frémissait à sa voix,
«Ils ne tombent pas tous, tu vois,
Les fruits de la Science».

*****************************

Pour une dame imaginaire
Aux yeux couleur du temps,
J’ai rimé longtemps, bien longtemps:
J’en étais poitrinaire.

Quand vint un jour où, tout à coup,
Nous rimâmes ensemble.
Rien que d’y penser, il me semble
Que j’ai la corde au cou.

***************************

Toute allégresse a son défaut
Et se brise elle-même.
Si vous voulez que je vous aime,
Ne riez pas trop haut.

C’est à voix basse qu’on enchante
Sous la cendre d’hiver
Ce cœur, pareil au feu couvert,
Qui se consume et chante.

Aucun commentaire: