Après une vie de travail, un jour les gens sont retraités *. Pour certains, c'est là que débute l'ennui. Plus d'horaire à respecter, plus de rendement à fournir, personne pour commander de faire ci ou ça. Pendant quelques mois ou années, cette liberté retrouvée est vécue comme une délivrance, puis l'envie de faire passe, plus d'initiative à prendre. Alors là arrive l'ennui. Il y a bien le journal du matin à lire, la télé l'après-midi avec ses séries qui repassent, ses jeux en fin d'après-midi, le journal télé régional puis national, un film ou une émission de début de soirée. La journée est passée, on n'a rien fait. Le lendemain on recommence.
Certains prennent un chien pour s'obliger à le sortir une ou deux fois par jour. Quand il meurt, on abandonne et on reste chez soi. Oh, parfois on se crée des activités : le club du troisième âge avec ses parties de cartes ou ses ateliers, un voyage de temps à autre, un repas, une partie de boules ... Quand on a la chance d'avoir une famille, on reçoit parfois de la visite. mais comme quand on était actif, eux non plus n'ont pas le temps ou l'envie de prolonger le séjour ou la discussion et on retombe dans sa routine.
Le pire est sans doute après un veuvage. L'ennui qu'on partageait avec son complément s'ajoute à la peine d'avoir perdu son compagnon et pour un peu que la santé se dégrade, on a vite fait de décliner irréversiblement.
Bien sur il reste quelques joies lors d'évènements familiaux mais ces moments là sont rares par rapport à la longueur des journées. Alors les vieux se meurent d'ennui quand ils se retrouvent seul.
Cette solitude, dans un monde où tout le monde compte sur la société pour résoudre les problèmes, provient du changement de mode de vie en quelques dizaines d'années. Jusque dans les années 1950/60, les familles vivaient à plusieurs générations sous le même toit. Le couple de jeunes vivait avec ses enfants bien sur, mais souvent aussi avec les parents et les grands-parents. Il y avait toujours quelqu'un pour s'occuper des anciens à défaut de les occuper. Bien sur cela n'allait pas sans quelques conflits quand tout le monde voulait être ou rester le maître mais souvent, celui qui avait fait son temps, laissait la place aux jeunes, même s'il n'approuvait pas les méthodes modernes et répétait que de son temps cela se faisait autrement. Il n'empêche que l'échange permettait au cerveau, que certains comparent à un muscle, de travailler.
Depuis que les jeunes vivent avec les jeunes, les plus âgés, qui globalement sont les plus nombreux mais individuellement de moins en moins, finissent par se retrouver seuls chez eux.
Comme les muscles qui ne travaillent pas, le cerveau s'atrophie et devient défaillant. Quel que soit le nom qu'on donne à cet état ou cette maladie, le mal est là et poursuit son oeuvre destructrice.
Bien sur il existe des établissement pour caser nos aïeux; chacun était tout de même mieux chez lui que chez les autres, cette solution qui n'est pas la meilleure, devient quelquefois nécessaire quand notre égoïsme, nos occupations ou leur état de santé nous empêchent de les accueillir chez nous.
Alors vive les grandes maisons où quatre générations cohabitent, les jeunes, avec leur désir de changement, donnant l'envie de vivre aux plus âgés qui apportent en retour leur sagesse, l'expérience et leurs souvenirs. Et si chacun faisait l'effort de s'occuper de sa famille, il n'en vivrait que mieux, délivré du souci moral du sentiment d'abandon.
Ce n'est pas forcément facile à réaliser surtout quand on est jeune et soumis à la mobilité géographique en raison de son travail ou quand les couples s'unissent et se défont rapidement, mais il y a une piste à suivre pour une meilleure qualité de vie en collectivité, qui commence quand même par la famille. Et nous avons tous une chance, un jour, de devenir vieux.
* retraite : fait de se retirer du monde, d'où le sens administratif moderne (Larousse Etymologique)
Pour rester dans la nostalgie, le lien vers la chanson de Jacques Brel :
www.youtube.com/watch?v=M-nyLvIuHDU
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